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7 janvier 2022

Grosse baisse de fréquentation pour les bibliothèques françaises en 2021

baisse fréquenration bibliothèque 2021

À l’heure des bilans, les mauvais chiffres de fréquentation viennent encore assombrir le tableau. Car les bibliothèques n’ont pas retrouvé leurs niveaux de fréquentation d’avant la crise du Covid. Par rapport à 2019, année de référence, les pertes sont lourdes : 50 % de lecteurs en moins dans le réseau de la bibliothèque municipale de Lyon, à la médiathèque de Troyes Champagne Métropole, comme à celle d’Ivry-sur-Seine, en banlieue parisienne. Moins 38 % à la bibliothèque francophone multimédia (BFM) de Limoges, moins 35 % à la bibliothèque municipale de Grenoble… Certaines bibliothèques rurales, dont les ouvertures au public reposaient sur des bénévoles, n’ont tout simplement pas rouvert depuis le début de la pandémie. Plus inquiétant encore, les prêts d’ouvrages à domicile ont également chuté : – 30 % à Troyes, – 22 % à Lyon, – 10 % à Limoges… Alors que les ventes de livres ont grimpé de 19 % en 2021, ces chiffres sont particulièrement amers. Devant l’ampleur d’un phénomène dont il a tardé à prendre la mesure, le ministère de la culture a prévu une « enquête flash » en janvier. En attendant ses résultats, les responsables d’établissements expliquent ces baisses par la conjugaison d’une multitude de facteurs.

« On constate un phénomène de prudence. Les visites de nos lecteurs semblent plus espacées dans le temps, plus mesurées, plus rationnelles aussi, avec des paniers plus garnis », analyse Julien Barlier, directeur de la médiathèque de Limoges.

Partout, les bibliothécaires interrogés estiment que les habitudes de visite ont été bouleversées par le télétravail et les changements de vie quotidienne liés à la pandémie. « Parfois, les lecteurs n’ont pas pu s’adapter aux changements d’horaires que nous avons dû mettre en place pour maintenir le service », poursuit Julien Barnier. « Beaucoup de nos lecteurs sont dépendants des transports en commun. La crainte des contaminations dans les transports a aussi pu être un frein aux visites », complète Béatrice Pallud-Burbaud, directrice ajointe aux publics à la bibliothèque municipale de Lyon (

Contrairement aux librairies indépendantes, qui ont profité de l’élan vers le commerce de proximité après le premier confinement et vu leur cause bien médiatisée, les bibliothèques ont aussi souffert d’une forme d’invisibilité. « Depuis le début de la pandémie, on a un vrai problème de visibilité et de lisibilité de l’ouverture des bibliothèques, déplore Béatrice Pallud-Burbaud. Les gens ne savent plus bien si on est ouvert et quand. » 

Difficile encore de dire quels lecteurs ont été perdus, mais les professionnels observent souvent les mêmes tendances. « Les lecteurs fidèles sont encore plus fidèles. C’est sans doute sur le terrain de l’élargissement des publics que nous avons perdu des lecteurs », estime Julien Barlier. « Très clairement, nous avons perdu des lecteurs âgés, plus craintifs face au virus, et le public le plus défavorisé, celui qui vient prendre un café, se reposer, brancher son téléphone, indique Justine Duval, directrice de la médiathèque d’Ivry-sur-Seine. Mais nous avons surtout perdu un peu tout le monde ! »

Les plus jeunes semblent plus que d’autres encore manquer à l’appel, « comme les enfants qui venaient seuls avant la pandémie », évalue Isabelle Westeel, directrice de la bibliothèque municipale de Grenoble. « Auparavant, les bibliothèques de quartiers se remplissaient à la sortie du collège, c’est moins le cas maintenant », constate aussi Julien Barlier, à Limoges.

Partout, l’application du passe sanitaire a eu un impact fort sur la fréquentation. Mais elle a aussi provoqué beaucoup de remous dans la profession. « On était persuadé qu’on ne serait pas concerné, d’autant plus que les librairies et les centres commerciaux qui vendent des livres n’y sont pas soumis », se souvient Béatrice Pallud-Burbaud. « Pour toute la profession, l’application du passe sanitaire a été très rude car elle vient contredire le principe de notre ouverture universelle, sans conditions », ajoute Loriane Demangeon, vice-présidente de l’Association des bibliothécaires de France (ABF).

Dans certaines villes, comme à Grenoble, les mouvements de grève du personnel refusant de contrôler les passes ont encore compliqué l’accueil du public. « Les grèves ont duré de l’été jusqu’à la mise en place de bornes d’auto-contrôle des passes en décembre », témoigne Isabelle Westeel, qui souligne combien cette mesure a suscité « incompréhension, désarroi et colère ». « Nous avons été obligés de respecter la loi et nous l’avons fait, cependant nous avons fait le choix de ne pas contrôler le passe des 12-17 ans, comme à Lyon, Villeurbanne ou Strasbourg », précise-t-elle.

Pour contrer les effets du passe sanitaire, certains lieux ont maintenu les prêts à la porte d’entrée des médiathèques, comme à Troyes. « C’était un service très demandé », souligne Catherine Schmidt, directrice. D’autres ont fait le choix inverse. « Avec le click and collect, les bibliothécaires ont eu l’impression d’être chez Amazon et de se transformer en manutentionnaires, note Julien Barlier. Ce service ne pouvait être que temporaire. » 

À l’issue de cette année difficile, l’usure se ressent dans les équipes. « S’y ajoute l’inquiétude que les baisses de fréquentation signalent de vrais changements d’habitude », relève Loriane Demangeon.

Dans ce contexte, la loi sur les bibliothèques, votée à l’unanimité fin décembre 2021, est venue apporter un peu de réconfort. Consensuel, le texte vient combler un vide juridique, « car aussi – curieux que cela puisse paraître –, il n’y avait rien dans la loi concernant les bibliothèques », rappelle la sénatrice Sylvie Robert, rapporteure du texte. Le texte rappelle les principes régissant ces établissements : liberté d’accès, gratuité de la consultation, pluralisme des collections…

« Cette loi est une reconnaissance bienvenue dans une période où le ministère a parfois oublié les bibliothèques dans la gestion de l’épidémie », pointe Loriane Demangeon. Reste la frustration que le principe de libre accès ait été énoncé au moment même de l’application du passe sanitaire. « La loi doit être décorrélée du contexte épidémique, elle est faite pour le temps long », plaide Sylvie Robert, qui souhaite toutefois que « le débat sur le régime d’exception applicable aux bibliothèques » soit lancé dès que la situation épidémique sera plus calme.

Source: La Croix

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