Le Covid-19 a précipité la société dans un scénario digne d'un roman noir, voire d'une dystopie. Face à cette situation inédite, le polar s'est imposé comme valeur refuge, apportant aux lecteurs des promesses d'évasion tout en affirmant sa volonté de réparer le vivant. Et premier remède contre la déprime, le cosy crime arrive en force. Ces séries d'enquêtes so british, marquées par l'humour et la fantaisie, ne sont pas nouvelles dans les librairies françaises. Les vingt-sept Enquêtes d'Agatha Raisin, signées M. C. Beaton, succès incontesté du secteur publiées par Albin Michel, se sont écoulées en France à 1,3 million d'exemplaires depuis leur lancement, en 1992. Les enquêtes de l'inspecteur Higgins (XO), de Christian Jacq, lancées en 2016 et déjà dotées de trente-sept titres, frôlent les 100 000 exemplaires vendus chaque année. Mais le phénomène a connu ces derniers mois une accélération radicale. « Les lecteurs ont envie de livres moins angoissants. Se faire frémir, oui, rajouter de l'angoisse, non », constate Caroline Lépée, éditrice chez Calmann-Lévy, qui publie fin mars Bretzel et beurre salé, de Margot et Jean Le Moal. L'éditrice Violaine Chivot, qui publie au Masque en avril Le murder-club du jeudi, de Richard Osman, confirme que la lecture de ce best-seller anglais lui a « sorti le nez de la dépression Covid ». « Tout le monde veut sa part du gâteau sur le revival du cosy », s'amuse Glenn Tavennec, directeur de la collection « La bête noire » chez Robert Laffont, qui abrite déjà la série des Rendez-vous avec le crime de Julia Chapman et celle de Son espionne royale de Rhys Bowen. L'éditeur lance en mai un cosy crime francophone, Les folles enquêtes de Magritte et Georgette, signé Nadine Monfils.
Mai sera « the » mois du cosy crime en France, avec une nouvelle série lancée par l'éditrice Marie Leroy à La Martinière, Les dames de Merlow enquêtent, de Robert Thorogood. Elle met en scène une enquêtrice de 77 ans, rédactrice de mots fléchés. « C'est la première fois qu'on accorde un tel plan promotionnel à un ouvrage », confie d'éditrice. Ainsi le budget atteint 100 000 euros, pour une mise en place à 30 000 exemplaires. Toujours en mai, les Presses de la Cité publieront Bal tragique à Windsor, de S. J. Bennett, nouvelle série mettant en scène... la reine d'Angleterre. Chez Hugo Thriller, dont le directeur Bertrand Pirel dit vouloir des « thrillers tout en douceur », paraîtra notamment en novembre Mort sur le Transsibérien, de C. J. Farrington. Et le genre pourrait bien s'intellectualiser : en 2022, Agullo publiera un cosy mystery polonais signé d'un couple d'auteurs gays que l'éditrice Nadège Agullo promet « engagé et de qualité ».
Source : Livres Hebdo