Has been, le livre ? Pas si sûr. Une étude de l'association Livre et lecture, dévoilée ce lundi, montre un marché plutôt dynamique en Occitanie, même si l’ombre du numérique plane de plus en plus sur les libraires, les éditeurs et les auteurs. 20 Minutes a puisé dans ces chiffres-clés quelques-unes des mutations de cette filière. Oui, on lit encore, mais (beaucoup) moins. Les ventes de livres ne s’effondrent pas, dans la région, mais « se tassent », confie Laurent Sterna, le directeur d’Occitanie Livre et lecture. « Il y a moins de grands lecteurs, le nombre de personnes qui lisent plus de 15 livres par an s’est complètement effondré, reprend Valérie Travier, conseillère livre à la Direction régionale des affaires culturelles (Drac). Le public est aujourd’hui plus large, mais il lit moins. Il y a plus de lecteurs qui lisent un à deux livres par an. » Selon Laurent Sterna, les bouquins sont en concurrence avec les autres loisirs, comme le cinéma, le jeu vidéo ou le spectacle vivant. « Et lire demande un vrai effort d’attention », note-t-il.
En Occitanie, l’étude de Livre et lecture montre toutefois une appétence toujours présente du public pour la littérature. Près de 70 salons ou festivals dédiés au livre ont été créés ces cinq dernières années, dont 32 nouveaux événements en 2016 et 2017. Le livre numérique n’est pas (encore) l’ogre que l’on attendait. L’offre de livres numériques est en forte augmentation en Occitanie : 4.775 titres sont proposés aujourd’hui par les éditeurs membres de l’association Livre et lecture, soit une hausse de 46 % par rapport à 2016. En Occitanie, 16 % des titres sont numériques. Un tiers des éditeurs de la région proposent des e-books, 10 % d’entre eux proposant 90 % de l’offre.
En France, selon une étude du Syndicat national de l’édition, ce marché représente 8,6 % du chiffre d’affaires des ventes de livres. Ainsi, si dans l’industrie musicale, le streaming a quasiment effacé le disque, dans la filière du livre, le bon vieux bouquin a encore très largement les faveurs du public. « Le livre numérique est une question qui faisait peur, il y a encore cinq ans, il y avait une crainte que cette vague vienne tout emporter, indique Laurent Sterna. Avec le livre, subsiste le plaisir de l’objet, il y a un rapport assez sensuel avec le lecteur. Lire sur un écran rétroéclairé n’est pas encore dans nos habitudes. Pour de l’information, oui, mais pas pour de la littérature. »
Amazon fait (beaucoup) de mal aux libraires. Ce n’est pas une surprise : le boom du e-commerce a été dévastateur pour les libraires. Et les tentatives politiques pour remédier à ce phénomène ont été particulièrement infructueuses. « Quand on se félicite [en 2014] d’une loi dite anti-Amazon en décrétant que les frais de port ne pouvaient pas être gratuits, et que cela allait sauver la librairie française, c’est invraisemblable, indique Laurent Sterna. Evidemment, dans la seconde, Amazon a facturé ses frais de port un centime d'euro. C’est à la représentation nationale d’organiser des conditions et des lois qui vont provoquer un écosystème. » Acheter son livre chez un libraire et non sur Internet, peut ainsi représenter aujourd’hui un véritable « acte militant ». « La façon dont on achète un livre n’est pas neutre », souligne le directeur de Livre et lecture.
Les librairies sont (très) fragiles. Avec la concurrence féroce du e-commerce, pas facile d’être libraire, notamment dans les petites structures. Les grosses librairies, dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 2 millions d’euros, font près de la moitié (48,9 %) du chiffre d’affaires total des librairies d’Occitanie, alors qu’elles ne représentent que 8,6 % du paysage. Les petites boutiques, qui font moins de 300.000 euros de chiffre d’affaires par an, se partagent quant à elles 11,6 % du chiffre d’affaires total du secteur. Alors quand un petit libraire veut passer la main, il a parfois un peu de mal à trouver un repreneur. Or, un tiers des librairies ont déclaré à l’association Livre et lecture envisager une transmission « à plus ou moins long terme ». « Un très bon libraire, formé, va gagner difficilement plus d’un Smic, regrette Laurent Sterna. C’est la triste réalité. C’est un métier où l’on gagne peu. Mais pourtant, de l’envie, il y en a. » Certaines petites structures ne présentent même plus un modèle économique viable, et ne se payent pas. Alors, hormis les traditionnelles lectures, séances de dédicaces ou animations, pour subsister (ou innover), certaines librairies se diversifient en Occitanie. « Avec des résultats qui sont extrêmement variés, il n’y a pas de méthode miracle, souligne Cécile Jodlowski-Perra, la directrice d’Occitanie Livre et lecture. Par exemple, la Librairie-Tartinerie de Sarrant (Gers), devenue l’un des poumons économiques de ce village, propose des livres, mais aussi des tartines, comme son nom l’indique. Cette convivialité permet d’attirer des familles, des groupes, des touristes. En revanche, une librairie de Sète, qui avait proposé du vin et des assiettes de fromage, a fermé. Une partie de l’activité avait même fait couler l’autre. D’autres librairies proposent des jouets. »
Source: 20 minutes